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À Hong Kong, une génération en voie de disparition

Communication urgente : la station va fermer à cause d’un accident majeur. Veuillez sortir immédiatement — ainsi retentissent les haut-parleurs du métro1. « J’avais entendu cette voix robotique au moins un million de fois dans ma vie, mais jamais je n’avais perçu une telle urgence. Tu paniques, tout simplement ! Je me suis précipité vers la station, où une énorme foule désordonnée remontait les escaliers mécaniques. Imagine le choc sur mon visage : personne ne descendait, littéralement ; tout le monde fuyait. J’ai couru le plus vite possible pour voir si ma collègue était en sécurité. Quand finalement je l’ai repérée, elle allait bien, mais elle était entourée de passagers blessés ».


La voix de Michael grésille dans mon oreille, collée à l’écran de mon smartphone. Avant cet appel, nous ne nous connaissions pas. J’avais lu son nom dans le générique de fin d’un documentaire sur les manifestations pro-démocratie, qui ont eu lieu à Hong Kong en 2019. Le temps d’échanger sur différents réseaux et de briser la glace, nous voilà au téléphone après quelques jours.


Autour de moi, tout est immobile et silencieux. Dehors, nuages et soleil se livrent une bataille pour remporter cette journée de la mi-mai parisienne. « J’étais présent ce jour-là. Après avoir filmé les manifestations vers la Causeway Bay sur l’île de Hong Kong, je m’apprêtais à rentrer avec ma collègue dans le quartier de Mong Kok, où je vivais. Mais le train s’est arrêté à la station de Yau Ma Tei. La voix automatique annonçait la suspension du service. J’ai pensé, « ok, c’est juste une station, je vais marcher”. Sorti de la station de métro, je reçois soudainement un appel de ma collègue. Je décroche, mais impossible de l’entendre, juste le message qui martèle dans les haut-parleurs ».



Nous sommes le 31 août 2019. Les événements dont Michael est l’un des rares témoins sont connus sous le nom des accidents 831 (du mois et du jour où il se sont déroulés) à l’arrêt de métro Prince Edward, à Kowloon. Ce jour-là, raconte Michael, un groupe de manifestants a vandalisé la station de Mong Kok — juste après Prince Edward sur la ligne centrale de Tsuen Wan — pour dénoncer la collusion du Mass Transit Railway (MTR), la société qui gère le réseau métropolitain de la ville, avec le gouvernement. Au même moment, deux hommes armés de marteaux attaquaient les protestataires qui rentraient chez eux en passant par Prince Edward.

Aujourd’hui encore, c’est la réponse des agents de la police qui laisse Michael perplexe : « Quand ils sont arrivés à la station de Prince Edward, ils ne se sont pas occupés des deux hommes qui martelaient les manifestants. En fait, ils sont rentrés dans un autre train et ont tabassé tous les passagers. Nous ne savions pas s’il s’agissait d’un malentendu, si la police s’était trompée de voie. Mais ils étaient en train d’attaquer des innocents. Certes, des manifestants se trouvaient également dans le train, mais il s’agissait pour la plupart d’usagers ordinaires. Le fait qu’il plut ce jour-là et que tout le monde portait un parapluie n’a sûrement pas aidé. »


Quand le train arrive à Yau Ma Tei, Michael et sa collègue n’en reviennent pas. Ils ne sont pas encore au courant de la brutalité policière dont les usagers portent les traces. « Nous avons juste vu les rames remplies de mouchoirs et de serviettes en papier tachés de sang. Partout, les effets personnels des passagers étaient abandonnés. Les blessés se tenaient la tête entre les mains, confus. Ils criaient : “qu’est ce qui s’est passé ?” Je ne savais même pas si ma caméra était allumée. Mes mains tremblaient. J’ai déjà été ciblé par des projectiles en caoutchouc ou du gaz lacrymogène, mais la peur que quelqu’un d’autre soit en danger, blessé, c’est une question complètement différente ».


La suite de l'article est disponible gratuitement et en intégralité sur le site de Grand-Continent.

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